Jeremy Salle

août 23, 2021

Bulle Internet, Crise économique, Crise financière, Krach boursier

La bulle internet, aussi appelée bulle technologique ou crise des dotcoms, est une bulle spéculative qui a affecté les valeurs technologiques (liées à l’informatique et aux télécommunications) sur les marchés actions à la fin des années 1990. Son apogée a eu lieu en mars 2000. C’est aussi la perspective d’un nouvel eldorado : l’économie de l’internet aussi appelé net-économie.

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Les prémices de l’éclatement de la bulle internet

Les premiers symptômes de la bulle internet apparaissent en 1995. La frénésie des investisseurs lors de l’introduction en Bourse de Netscape fait s’envoler le cours de l’action de cette jeune société de $28 à $75 en un seul jour. Pendant environ 5 ans, les gains promis par les sociétés du secteur des TIC (Technologie, Internet/Informatique, communications) aiguisent l’appétit d’un nombre d’investisseurs toujours plus important, ce qui se traduit par des volumes importants d’émissions d’actions, d’emprunts et de crédits bancaires.

Les valeurs boursières des entreprises du secteur augmentent sans lien réel avec leur chiffre d’affaires réel ou leurs bénéfices. L’indice IXIC du marché électronique NASDAQ, qui était à 1000 au début de l’année 1995, a été multiplié par 5 en 5 ans, culminant à plus de 5000.

Les raisons du gonflement de la bulle internet

Plusieurs événements conjugués sont à l’origine de ce phénomène.

Une énorme épargne mondiale

Tout d’abord, un excédent d’épargne financière au niveau mondial, notamment lié à la préparation de leur retraite par les baby-boomers; ensuite une modification de la politique monétaire devenue très accommodante aux Etats-Unis et au Japon. Le crédit, peu cher, est largement disponible, notamment grâce aux investisseurs en capital risque. De plus, plusieurs changements de politique macro-économique vont amplifier l’effet.

Ouverture à la concurrence mondiale

L’ouverture à la concurrence au niveau mondial du marché des services de télécommunications dans la plupart des pays de l’OCDE a eu pour conséquences d’augmenter massivement les investissements des opérateurs, ce qui entraîne de nombreuses fusions-acquisitions dans tout le secteur. Ensuite, les investissements réalisés dans l’informatique, pour adapter les systèmes à l’an 2000, gonflent les rendements des sociétés informatiques. Enfin, les pays européens investissent pour assurer la transition des monnaies nationales au passage à la monnaie unique, l’euro. Finalement, la popularisation du réseau internet en 1994 prend l’allure d’une 4e révolution industrielle qui semblait ouvrir une nouvelle période de croissance économique faramineuse.

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Un cadre réglementaire favorable

Durant la deuxième moitié des années 1990, la majorité des pays de l’OCDE ont adapté leur cadre réglementaire afin d’ouvrir plus largement leur marché des télécommunications à la concurrence. A l’époque, les analystes s’accordent alors sur une prévision de croissance du marché des services de près de 10% par an, et ceci malgré la baisse du prix causée par l’arrivée des concurrents. Cette perspective prometteuse attise l’intérêt de beaucoup d’investisseurs. L’accord de Genève sur la libéralisation des télécoms dans le cadre de l’OMC, ouvre la voie à de nouvelles perspectives de développement. Les grands opérateurs historiques nationaux partent à la conquête de nouveaux marchés fixes et mobiles à l’international. A coups de milliards de dollars, ils prennent des participations dans des opérateurs historiques étrangers qui viennent d’être privatisés ou alors créent de nouveaux opérateurs concurrents de toute pièce ou en partenariat avec des groupe locaux.

Des alliances internationales bancales

En quelques années, le secteur des services de télécommunications connaît une effervescence extraordinaire. Il devient un champ de bataille des grands groupes européens, américains et asiatiques. Avec la mondialisation de l’économie, les performances des grandes entreprises internationalisées dépendent de plus en plus de leurs réseaux de télécommunications. Ces grands comptes représentent des chiffres d’affaires importants et des marges élevées pour les opérateurs historiques nationaux, ce qui les conduit à vouloir proposer des services mondiaux. On assiste alors à une course aux alliances globales, avec notamment celle entre le français France Télécom, l’allemand Deutsche Telekom et l’américain Sprint; ou encore l’alliance entre le britannique British Telecom et l’américain MCI; ou enfin l’alliance avec l’américain AT&T à laquelle se joignent des opérateurs de tous pays qui ont des liens avec une alliance européenne baptisée « UNISOURCE ».

Ces alliances complexes et pas toujours efficaces, voire même ingérables, seront le plus souvent des échecs. Partout dans le monde, de nouveaux opérateurs ont un accès facile à d’importantes liquidités et déploient de vastes infrastructures alternatives à haut débit, notamment à base de fibres optiques (appelées autoroutes de l’information). Les opérateurs justifient les milliards de dollars investis en agitant des prévisions pariant sur l’explosion du trafic, conséquence de l’augmentation exponentielle du nombre et de la demande moyenne des utilisateurs. Ce type d’annonces suscite un vrai enthousiasme et de la fascination dans la presse économique et financière.

En réalité, les revenus sur le segment longue distance n’évoluent pas comme prévu, notamment parce qu’à l’autre bout de la chaîne, il existe encore fin des années 1990 un goulot d’étranglement sur la boucle locale, partie des réseaux qui donnent accès au client final. Il faudra attendre encore de nombreuses années pour assister au décollage du nombre d’accès haut débit, de l’internet mobile, des services avides en bande passante et surtout, des services générant des recettes. Les réseaux sont bien souvent déployés sur les mêmes routes reliant les mêmes grandes métropoles, et il n’y a pas de marchés réels suffisants permettant de justifier les sommes colossales investies.

Un endettement massif

En Europe, les opérateurs mobiles s’endettent très lourdement en achetant au prix fort les licences des réseaux de troisième génération UMTS. Les Etats les allouent en utilisant la méthode des enchères. Des recettes considérables sont prélevées sur les opérateurs à cette occasion. Par exemple, au Royaume-Unis, les 5 licences accordées à Vodafone, British Telecom, one 2 one, Orange, et TIW, leur coûtent la somme approximative de 23 milliards de livres sterling. En France, France Télécom dépense près de 80 milliards d’euros en acquisition de sociétés et en droits de licences en 1999 et en 2000.

L’endettement se poursuit grâce à l’essor d’Internet, des opérateurs d’optique et d’IP (Internet Protocol) ce qui poussent ces sociétés à acquérir des entreprises qui n’ont pas le même coeur de métier qu’elles via des fusions-acquisitions. La folie des fusions-acquisitions naît. De nombreuses entreprises achètent souvent trop cher, et parfois sans réelles stratégies, simplement pour imiter les concurrents ce qui fait encore plus flamber les prix.

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Des sommets à la chute brutale

Endettement et faillites

Sous la pression de la remontée des taux d’intérêts à long terme, la bulle finit par éclater à partir de mars 2000, sous forme d’un krach s’étendant à l’ensemble des bourses et provoquant une récession économique du secteur de l’internet et des télécoms ainsi que de l’économie en général. Tous les profits réalisés depuis 1995 par les 4300 sociétés du NASDAQ sont volatilisés par les pertes gigantesques de 2000 et 2001.

Les opérateurs historiques et mobiles sont, à cette date, affaiblis par de lourdes dettes, en raison des investissements élevés effectués dans des sociétés à l’étranger et au prix acquitté pour les licences nécessaires aux réseaux mobiles de troisième génération. Les opérateurs de grands réseaux optiques se sont, de leur côté, multipliés en quelques années, générant une très forte concurrence.

Il s’ensuit une chute des prix des services et des faillites, car les opérateurs les plus endettés ne peuvent pas honorer leurs échéances. Aux Etats-Unis, ils se font acheter les uns après les autres, après s’être mis sous la protection de la loi américaine des faillites. Ceux qui ont survécu, gèlent leurs investissements dans les réseaux, et mettent en place des programmes de réduction drastique des coûts, et notamment des salaires. Les conséquences sont désastreuses en amont sur le chiffre d’affaires des fournisseurs comme les équipementiers. Leurs bilans sont sérieusement déséquilibrés par d’importants actifs non rentables. Ceci est plus particulièrement vrai pour les groupes qui ont un niveau d’engagement élevé dans le déploiement des grands réseaux optiques et qui doivent supporter de lourds investissements en R&D pour développer des nouvelles solutions de réseaux mobiles.

A partir d’octobre 2000, les investisseurs découvrent que les équipementiers en télécommunications sont doublement exposés aux risques de faillite des opérateurs. Premièrement, en tant que client, l’opérateur risque de ne jamais payer les factures des produits livrés. Deuxièmement, pour aider à faire aboutir un projet d’investissement réseau et/ou pour devenir le fournisseur incontournable, il apparaît que les équipementiers ont bien souvent proposé à leurs clients de financer à 100% les coûts de leurs réseaux, voire dans certains cas d’aller jusqu’à 150% ou même 200% (afin de financer d’autres charges comme l’acquisition des droits de licences). Ce système fonctionne très bien lorsque l’environnement économique est en croissance. Mais il se retourne violemment contre les « banquiers » que sont devenus les équipementiers lorsque survient la récession de 2001. Les contrats prévoient en effet que les sommes soient remboursées dans le temps en fonction du succès commercial de l’opérateur (nombre d’abonnés, attente des premiers bénéfices, …). Or, le succès commercial espéré par les opérateurs tarde à se manifester et dans beaucoup de cas, il n’arrivera jamais.

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Le rôle des agences de notation

Les agences de notation telles que Moody’s, Standard & Poor’s ou encore Fitch, s’inquiètent également des difficultés de certains opérateurs comme 360networks, dont le fournisseur Alcatel est à la fois le fournisseur et l’actionnaire à hauteur de 700 millions de dollars. Cette inquiétude s’avérera justifiée lorsque la société fera faillite en juillet 2001.

Certaines entreprises ont fait de très nombreuses acquisitions au prix fort nourrissant la bulle internet, mais après 2000, la valeur de ces sociétés acquises s’effondre. Dans certains cas, des activités sont arrêtées, ou revendues avec de lourdes moins-values et les acquéreurs doivent en tenir compte dans leur bilan en les dépréciant. De nombreuses entreprises se mettent ainsi à déprécier pour plusieurs milliards de dollars d’actifs, comme AOL Time Warner qui déclare des pertes de plus de 100 milliards de dollars dues à la dépréciation de sa filiale AOL. Vivendi déprécie pour environ 16 milliards d’euros d’actifs, dont 6 milliards imputable à la dépréciation d’actifs de survaleur juste pour Canal+. France Telecom reconnaît des amortissements pour des survaleurs d’acquisition, incluant 480 millions d’euros pour Orange. Mais il faut ajouter à cela 3,4 milliards d’euros de dépréciation d’actifs, dont 1,7 milliards pour la mise en Bourse d’Orange, 892 millions pour NTL, 715 millions pour sa filiale Global ONE, ou encore 41 millions pour la participation dans Bull.

Pour limiter la casse et des notations en baisses, les entreprises ont tendances à surévaluer artificiellement le chiffre d’affaires ou les bénéfices. Un des exemples les plus célèbres est celui d’Enron. Entreprise du secteur de l’énergie, elle a dissimulé ses dettes et ses pertes. Environ 85 milliards de dollars de capitalisation boursière se sont volatilisés. D’autres sociétés comme Worldcom ont fait passer frauduleusement plusieurs milliards de dépenses en investissements afin de pouvoir les amortir. Ces entreprises sont démasquées, notamment par la SEC aux Etats-Unis, et le spectre de fraudes comptables généralisé plane sur les bourses ce qui les fait chuter puisque cela mine la confiance des investisseurs.

Les conséquences de l’éclatement de la bulle internet

Les actionnaires ayant subi des pertes astronomiques (90% de chute en 2002 pour les 3 grandes groupes tricolores : France Telecom, Alcatel et Vivendi), il fallait absolument reconstruire la confiance entre les investisseurs et les entreprises.

Une très longue phase de digestion commence alors à partir de 2003. Surtout que l’on apprend, au fur et à mesure que se déroulent les procès, les nombreuses malversations perpétuées des 2 côtés de l’Atlantique : Kenneth Lay, le PDG d’Enron aurait ainsi vendu des centaines de millions de dollars en actions, …alors qu’il incitait ses salariés à garder leurs titres ! En France, la saga de Messier et de Vivendi allait défrayer la chronique judiciaire jusqu’à la fin des années 2010, avec de nombreux rebondissements.

Lors de ces grands déballages, le système des stock-options est vivement critiqué (certaines compagnies y renonçant définitivement pour leurs salariés), le rôle des agences de notation (Standard & Poor’s, Moody’s,…), accusées d’être des accélérateurs de crises (en cas de dégradation de notation) est également passé au crible.

La conséquence la plus dommageable de ce krach de la bulle Internet a été la genèse de la prochaine crise, …celle des subprimes qui éclatera à son tour, 7 ans plus tard.

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