Définition du délit d’initié
Le délit d’initié est le fait pour une personne d’acheter ou de vendre des titres cotés (souvent des actions) alors qu’elle possède, sur cette entreprise, une information que les autres n’ont pas, non divulguée au grand public, dite privilégiée. Avec cette information, la personne réalise en général de très gros profits.
Qu’est-ce qu’une information privilégiée ?
Une information privilégiée est une information précise, qui n’est pas connue du public et qui, si elle l’était, aurait une incidence sensible sur le cours du titre de la société concernée. Exemple : vous apprenez qu’une entreprise est sur le point de signer un contrat qui lui garantit 5 ans de chiffre d’affaires et de résultats bénéficiaires. Cette information est précise. Si vous l’utilisez et achetez une grosse quantité d’actions de cette société, vous exploitez une information privilégiée.
En revanche, l’achat ou la vente sur le fondement d’une rumeur n’est pas considéré comme l’exploitation d’une information privilégiée, car l’information dans ce cas n’est pas assez précise et qu’en outre, s’il s’agit vraiment d’une rumeur, elle est connue de beaucoup de monde.
Juridiquement, on fait une différence entre le délit et le manquement d’initié. C’est plus ou moins la même chose, mais le délit est une infraction pénale, il relève de la procédure pénale (instruction, procès…), est punissable d’amendes ou même de peines de prison… Comme pour toute infraction pénale, le juge va s’attacher à l’intention de celui qui a commis le délit (Avait-il l’intention de profiter d’une information que lui seul détenait ?).
Le manquement d’initié, lui, relève de l’appréciation de l’Autorité des Marchés Financiers. L’AMF ne peut pas infliger de peines de prison, mais seulement des sanctions pécuniaires, qui ont longtemps été plafonnées, comme les amendes pénales, à 1.500.000 euros (ou jusqu’à dix fois les gains).
En 2008, le plafond des sanctions a été porté à 10 millions d’euros. Deux ans plus tard, en 2010, la loi de régulation bancaire et financière l’a porté, selon les catégories de personnes, de 1,5 à 100 millions d’euros.
Une personne ayant accès à une information privilégiée, c’est une situation d’inégalité. Le privilège consiste à détenir des informations déterminantes avant que le grand public en ait connaissance. Le privilège réside dans l’antériorité de la connaissance et par le nombre de ceux qui partagent l’information.
Autrement dit, l’information reste privilégiée même si le nombre des initiés augmentent, dès lors que la grande partie des épargnants ou investisseurs ne disposent pas de cette information.
2 types de délit d’initié
Les initiés directs : Ce sont les dirigeants de l’organisation ou de l’entreprise, qui disposent de cette information de par leur fonctions. Ils sont donc tenus par la confidentialité et l’interdiction d’émettre des transactions boursières en fonction de cette information privilégiée.
Les initiés indirects : Ce sont les personnes internes à l’organisation qui ont accès à l’information par leur fonctions (niveau hiérarchique) ou par leur liens avec l’entreprise s’ils sont externes tels les avocats, les associés, les créanciers. Elles sont également soumises à la confidentialité et l’obligation de n’effectuer aucune opération boursière sur le marché suite à l’acquisition de cette information privilégiée sous peine de sanctions pénales.
Délit d’initié, une procédure spécifique
La procédure de l’AMF est différente de la procédure pénale, ne serait-ce que parce que ce ne sont pas les mêmes organes qui interviennent.
L’enquête est confiée, non pas aux organes de police, mais à des inspecteurs de la Direction des Enquêtes de l’AMF. A l’issue de cette phase non contradictoire (bien qu’entourée de beaucoup de garanties procédurales), le dossier est examiné par le Collège de l’AMF qui décide ou non de le transmettre à la Commission des sanctions. S’ouvre alors une phase, qui s’apparente à l’instruction, le rapporteur désigné par le président de la commission des sanctions recueillant les observations de toutes les parties en cause. Enfin, l’organe de jugement est la Commission des sanctions (à laquelle le rapporteur présente le dossier mais ne participe pas au délibéré).
Si, au cours d’une enquête, elle a connaissance de faits dont elle pense, en première analyse, qu’ils pourraient être qualifiés pénalement, l’AMF transmet les éléments en sa possession à la justice pénale. C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait dans l’affaire EADS.
Les textes sont plus exigeants à l’égard des dirigeants et des professionnels du secteur financier. On fait une différence entre les personnes proches de la société (qui la connaissent mieux que les autres) comme les dirigeants, les actionnaires, les conseils… Et les personnes qui lui sont plus extérieures. S’agissant des premières, elles encourent des peines supérieures.
S’agissant des personnes extérieures, on admet qu’elles puissent ne pas faire la distinction entre ce qui est une information privilégiée et ce qui ne l’est pas, qu’elles puissent ne pas réaliser qu’elles sont en possession d’une telle information. Dès lors, elles sont moins sévèrement sanctionnées (1 an de prison et 150.000 € d’amende « seulement »). Au regard des manquements AMF, leur comportement n’est répréhensible que si elles savaient ou auraient dû savoir qu’elles étaient en possession d’une information privilégiée.
Une décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015 remet en cause cette distinction entre délit et manquement d’initié, et la possibilité, jusque-là admise par le conseil constitutionnel, de double poursuite. Les pouvoirs publics vont devoir choisir entre les deux, ou mixer les deux formules. D’ici là les deux procédures coexistent mais l’on ne pourra plus être poursuivi que pour délit ou manquement.
Quelques exemples de délit d’initié
Mathew MARTONA et SAC Capital
Trader américain, Mathew Martoma était à la fin des années 2000 au cœur de “la plus lucrative affaire de délit d’initié de toute l’Histoire”, d’après le procureur de Manhattan Preet Bharara. La justice, à travers lui voulait faire tomber son patron, le multimilliardaire Steve Cohen, à la tête de SAC Capital qui empocha en 2008 276 millions de dollars (soit 202 millions d’euros) grâce à l’obtention d’informations privilégiées et non publiques sur un médicament. Mathew Martoma, ayant été informé par un médecin qu’un médicament anti-Alzheimer développé par deux sociétés, Elan et Wyeth, n’allait pas recevoir l’aval de la FDA (Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux), a vendu toutes les parts de ces deux compagnies que possédaient SAC Capital, évitant ainsi une importante perte et réalisant au passage un profit important. Mathew Martoma a été condamné en 2014 à 9 ans de prison.
Le fonds SAC Capital n’est pas sorti indemne de cette enquête. En 2013, il a versé 1,2 milliard de dollars d’amende à la justice américaine, ainsi que 600 millions à la Securities and Exchange Commission. En 2014, SAC Capital a été obligé de plaider coupable pour « délit d’initié » et a été contraint par les autorités de renoncer à gérer les investissements de clients extérieurs.
Steven Cohen de son côté a réussi à passer à esquiver les sanctions. Selon le « Wall Street Journal », il s’apprêterait à faire son grand retour dans le monde des hedge funds. En effet, à l’issue d’un accord au civil, il avait négocié la possibilité de pouvoir gérer un nouveau fonds dès 2018.
Timothy MC GEE aux alcooliques anonymes
Aux États-Unis, Timothy McGee, un employé de Ameriprise Financial Services, se lie d’amitié avec un cadre supérieure de Philadelphia Consolidated Holding Corp aux réunions des Alcooliques Anonymes. Ces derniers prennent l’habitude de se voir en dehors des réunions et de faire du sport ensemble.
En 2008, Timothy McGee apprend alors que la compagnie de son ami est sur le point de fusionner avec Tokio Marine Holdings. Anticipant une hausse des actions de la Philadelphia, celui-ci en achète et fait également profiter ses amis et sa famille de l’information, qui s’avèrera être une opération très lucrative puisque le 23 juillet 2008, les actions en question font un bond de 64% et Timothy McGee empoche 292 000$.
La SEC accuse quatre autres personnes d’avoir utilisé ces informations et d’avoir gagné en tout 1,8 millions de dollars. C’est le premier délit d’initié se déroulant aux Alcooliques Anonymes.
David ZILKHA et Microsoft
En 2001, David Zilkha travaille chez Microsoft mais est sur le point de quitter l’entreprise pour le hedge fund Pequot Capital. Deux semaines avant la fin de son contrat chez Microsoft, Arthur Samberg, le président de Pequot Capital lui envoie un mail s’inquiétant des résultats de Microsoft dont le fonds détient des actions. David Zilka rassure son futur patron en lui assurant que les chiffres bientôt publiés par le géant de l’informatique seront loin d’être décevants. Celui-ci rachète alors des actions Microsoft dont le cours augmente d’un euro le lendemain, lorsque les chiffres de la société sont publiés. La plus-value réalisée grâce à l’information se chiffre à 14,8 millions de dollars.
La Securities and Exchange Comission (SEC) se doute de quelque chose mais n’a pas suffisamment de preuves pour condamner David Zilkha. Mais voici qu’en 2009, l’ancienne femme de David Zilka retrouve des mails compromettants et les livrent à la SEC. Elle empoche 10% de l’amende, soit un million de dollars.
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